Fruits de mer

Une petite histoire d’incroyables comestibles.  Il s’agit des huîtres.

Qu’est-ce qu cela peut bien faire sur le site des incroyables comestibles ? J’ai intitulé cet article «Fruits de mer» … «Ah, c’est un peu fort, ce ne sont pas des fruits !», me direz-vous certainement. Oui, oui, je vous entends bien et, végétarien, je sais faire la différence. Les ostréiculteurs eux-même la font bien en parlant de leurs huîtres, comme de leurs animaux. Alors, pourquoi pas «animaux de mer» … ce qui est plus précis, mais peut-être moins attirant.

Pourtant, aujourd’hui, je vais insister sur le terme de «fruit de mer», pour des raisons qui sont la raison de cet article. (Ref. image en avant)


Profondément attaché au mouvement des incroyables comestibles, je ne mange pas d’oignon. Pourtant l’histoire, bretonne notamment, des oignons est simplement extraordinaire.

Végétarien, je ne mange pas d’huîtres. Pourtant, l’histoire actuelle de ces animaux est incroyable car elle illustre autant l’élevage industriel des vaches que les différentes monocultures de légumes.


Les huîtres sont donc des animaux et à ce titre possèdent un patrimoine génétique. Celui-ci se trouve dans les chromosomes. Généralement, on trouve les chromosomes par paires dans le noyau de la cellule. Ainsi, comme le nombre de chromosomes humains différents est de 23, on trouve dans les cellules humaines 23 paires de chromosomes. On dira que la cellule est diploïde. Quand les cellules se divisent au sein d’un même organisme, on parle de mitose. Cette division crée deux cellules à partir d’une seule. Elles sont toutes diploïdes. Quand deux cellules se divisent en vue de la reproduction, seul un jeu de chromosomes est conservé. Les parents fournissent donc chacun une cellule dite haploïde. La fusion de ces deux cellules donne une cellule diploïde qui va être à l’origine d’un nouvel organisme dont les chromosomes viendront pour moitié de chaque parent. (Réf. image)

Si ce fonctionnement est très répandu, il n’est pas le seul. La ploïdie des organismes peut être très variée. On trouve des champignons et des algues haploïdes, mais aussi d’autres organismes polyploïdes, comme le blé qui est hexaploïde ou certaines huîtres qui peuvent être tri, voire tetraploïdes.

On imagine que la reproduction d’organismes triploîdes soit problèmatique. Pourtant, elle est très commune puisque associée au angiospermes, la plus grande partie des espèces végétales terrestres. Mais pour elles, cette triploïdie a une fonction bien précise, alors que pour les huîtres elle empêche simplement la reproduction. Et là est le problème.


Sous prétexte d’une huître de moindre qualité gustative quand elle est en période de reproduction, des recherches ont été menées, notamment par L’IFREMER, pour tenter d’empêcher les huîtres de se reproduire. L’IFREMER, dont la définition donnée par Wikipedia est intéressante :

L’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer est un établissement public à caractère industriel et commercial sous la tutelle du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. … Cet institut est né de la fusion des deux organismes, le Centre national pour l’exploitation des océans (CNEXO) et l’Institut scientifique et technique des pêches maritimes (ISTPM).

puisqu’elle met clairement en évidence le caractère industriel de cet organisme, a déposé en 2007 un brevet intitulé : « Obtention de mollusques bivalves tétraploïdes à partir de géniteurs diploïdes » (ref. Espace science). Les huîtres triploïdes sont obtenues par croisement à partir d’huîtres tetraploïdes fournies par l’IFREMER. Citons encore Wikipedia à propos de l’IFREMER et des huîtres triploïdes :

le premier brevet en 1995 utilise, pour obtenir la polyploïdie, l’induction chimique par un produit mutagène au stade embryonnaire sur une huître diploïde ; l’IFREMER rachète un brevet américain en 2004, le brevet Rutgers, puis dépose en 2008 un nouveau brevet en nom propre, qui utilise un inducteur chimique non cancérigène)23. L’écloserie de La Tremblade fournit l’huître tétraploïde badgée et pucée aux écloseries commercialesNote 4 depuis le début des années 2000, ces dernières les croisant avec leurs géniteurs diploïdes pour produire du naissain triploïde24.

Ces huîtres, produites dans des écloseries par sélection génétique dans le but avoué d’en empêcher la reproduction et l’industrialisation de leur culture en bassins ou sur des tables d’élevage, rappellent évidement les pratiques de monocultures industrielles. Bien plus, les manipulations génétiques, car il s’agit bien de manipulations, font inévitablement penser à celles des ces plantes transgéniques prévues pour ne plus pouvoir se reproduire, au bénéfice d’industriels obnubilés par l’argent. (Ref. image)

Il est étonnant de retrouver dans le domaine de l’ostréiculture les mêmes objectifs, les même pratiques que dans l’agriculture, de la part d’organismes publiques ou privés qui déposent des brevets imposant clairement non seulement une dépendance financière forte aux travailleurs de la branche dans leurs produits, mais aussi par là, une disparition des petits ostréiculteurs. Tout cela au nom de l’économie, voire même au nom d’une recherche dont les objectifs ne sont assurément pas la découverte ou la connaissance, mais la manipulation du vivant.


On peut bien, avouez-le, parler ici pour les huîtres d’incroyables comestibles. Tant au premier sens du terme, que par la similitude des méthodes employées dans l’ostréiculture et dans l’agriculture industrielle. Et si l’ostréiculture traditionnelle souffre de la raréfaction des huîtres naturelles,  au profit de la concentration de l’industrielle dans des mains de moins en moins nombreuses, c’est aussi à cause de l’acidification des océans dont la raison principale est … la pollution industrielle et des véhicules, dont les voitures. Là encore, c’est un thème commun aux ostréiculteurs et aux incroyables comestibles, qui l’ont déjà abordés ici même.

Les multiples sens des mots « incroyables comestibles » peuvent ainsi être revisités à travers des domaines au demeurant très éloignés. Ils ne signifient certainement pas la même chose pour tout le monde et n’ont certainement pas la même valeur pour chacun.

Voilà, ce fut ma découverte de l’été, amorcée par la lecture du roman policier « Mort d’une baleine dans un parc à huitre » de Bruno Perera, rencontré en Bretagne et qui se déroule sur fond d’ostréiculture industrielle et traditionnelle. Redécouverte de la génétique, découverte d’un animal fantastique qui filtre l’eau, découverte au goût de l’amer, tant la folie des hommes s’y manifeste.

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