Histoire d’échelle

Un producteur agricole parle en hectare, soit une surface d’un hectomètres sur un hectomètres ou de cent mètres sur cent mètres ou de dix-milles mètres carrés. Chaque année en Europe cent-milles hectares de terres disparaissent sous le goudron, soit cent-milles multiplié par dix-milles au total un milliard de mètre carré. À ce rythme, il faudrait un peu plus d’un demi-siècle pour que la France soit recouverte de goudron*.

Environ 40% des mammifères – dont des rhinocéros, des orangs-outants, des gorilles et de nombreux grand félins – survivent désormais sur 20%, voire moins, des territoires sur lesquels ils vivaient autrefois. Le déclin des animaux sauvages est attribué principalement à la disparition de leur habitat, à la surconsommation des ressources, la pollution ou le développement d’espèces invasives et de maladies**.

Aujourd’hui, on nous vante les immenses bénéfices escomptés de l’industrie du nano, un milliard de fois plus petit que le mètre, soit des surfaces d’interactions gigantesques entre les composants, sans jamais prendre de principe de précaution et alors que les études toxicologiques sur cette échelle sont alarmantes***.

Au milieu de tout cela, l’échelle humaine. Au milieu de tout cela, de petits gestes et une conscience des proportions émerge. À l’ordre du mètre, certains tentent de substituer une nano (le mètre carré est le milliardième de la bétonisation européenne) portion d’organique au goudron (voir la table nanoscopique de goudron verdurisé ci-dessous), mais bien plus qu’une nano portion d’indépendance alimentaire dans nos assiettes, puisque non seulement à l’échelle de quelques personnes la production familiale de comestible est loin du milliardième consommé, mais en plus elle stimule le partage des rencontres, des pratiques et des connaissances.

Car, chose qui n’est pas étonnante, l’échelle d’interaction entre humain est celle du mètre. Ainsi de petites surfaces de culture permettent vraiment de grandes interactions culturelles.

C’est là l’un des rôle premiers des incroyables comestibles.

De plus, si l’interaction culture-culturelle est souvent relationnelle, elle peut parfois porter aussi sur l’esthétique, comme le montre ce jardin extraordinaire de Vannes où sur un petite surface d’humanité l’esthétique des comestibles offre un grand plaisir simplement visuel.

Beaucoup de petites choses menant aux grandes choses, espérons que d’autre initiatives simplement esthétiques ou relationnelles suivront.

À Vannes toujours, les incroyables comestibles de la place Charles de Gaule ne sont plus. La ville les a intégrés dans ses jardins éphémères. Dans de jolis petits bacs aux abords de l’église Saint Patern. C’est une ode funèbre.

Car si la fleur annonce la graine du comestible, visiblement Vannes préfère les fleurs aux comestibles. La petite graine des incroyables comestibles, l’idée d’indépendance alimentaire, de révolte gastronomique, s’est heurtée aux remparts de la ville.

C’est bien dommage.

* « Sol contre tous », Le Canard Enchaîné du 5 juillet 2017.
** Le Télégramme du 12 juillet 2017, citant une étude de Rodolfo Dirzo (entre autres), professeur de biologie à l’université de Stanford, parue dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.
*** « Faut-il avoir peur des nanos ? » de Francelyne Marano.

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